A l’école d’architecture, un professeur enterre des sculptures pour les faire travailler : ce geste poétique ébranle Pascal Vochelet : il découvre qu’il veut peindre. Adieu, l’architecture. Bonjour la fac d’arts plastiques. Mais la peinture s’est fait désirer de loin, il tourne autour prudemment, lui fait une réponse de Normand qu’il est : contemplateur réservé de sa première boîte de pastels, modeste copiste des maîtres, lecteur curieux de correspondances de peintres, il y trouve la liberté donnée par leur quête obstinée du « comment faire », sans trop s’embarrasser du « pourquoi » , du « pourquoi moi » ?
Dès ses premiers essais – retranscrire la manière dont la lumière vient sur une pomme – il peint sur des feuilles de plastique transparent qu’il interpose entre lui et l’objet. Objet ? Ou sujet du verbe « être à distance poétique du monde »
Il rencontre vite des amateurs pour ses pommes, ou ses grands chevaux : une petite galerie de Rouen l’expose. Le peintre Yuri Kuper, de passage dans l’hôtel de ses parents, lui ouvre les portes d’une galerie parisienne, rue Bonaparte. Le hasard d’une rencontre l’a envoyé peindre, un autre lui a donné l’accolade de la reconnaissance et le soutien d’un artiste confirmé. Un nouveau jeu du hasard, amoureux celui-là, le conduit plus tard au sud, à Marseille, et l’y retient.
Pour vivre, il s’est fait saisonnier agricole ; il a vendu sur e-bay, derrière le faux-nez d’un faux nom, des œuvres produites en quantité: là où la sincérité aurait pu se perdre, l’art a continué à se frayer chemin : la technique s’est peaufinée, l’ascèse du travail régulier est devenue naturelle. Aujourd’hui on trouve Pascal assidu à l’atelier… ou sur la scène, où, depuis presque dix ans, il fait aussi … le clown, et pour de vrai : dans sa peinture circule ce travail souterrain du geste et des images intérieures où l’enfance et ses clairs-obscurs ont pleinement leur place.
Aussi à quarante ans a-t-il sans doute raison de se considérer comme un jeune peintre.
Denis Chapal / Laure Anne Fillias